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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 11:23

Faisons ensemble (le rêve d’)un monde vivable

Après les propos de Manuel Valls sur la « culture de l’excuse »

VENDREDI, 22 JANVIER, 2016

L'HUMANITÉ

Par Brahim Senouci, universitaire, membre du comité d’organisation du Tribunal Russell.

Manuel Valls l’a asséné : il ne faut pas essayer d’expliquer le terrorisme. Ce serait un début de justification. Contentons-nous donc de condamner et d’assigner les terroristes à une identité hors sol, une sorte de génération spontanée qu’il convient de détruire dès son apparition sans se préoccuper de ses racines éventuelles. Vision dangereuse. L’explication ne vaut pas absolution. La violence aveugle doit être condamnée sans réserve. L’esprit humain a cependant besoin d’inscrire l’événement dans une chaîne causale. Sa raison lui refuse la facilité de renvoyer les assassins à une altérité irréductible. L’homme se sent en partie responsable des atrocités commises par ses semblables. Ces jeunes gens ont grandi dans nos cités, ont été éduqués dans nos écoles. Nous avons besoin de savoir pourquoi ils ont pris des chemins de traverse, de savoir à quel point notre responsabilité d’homme est engagée dans le processus mortifère. Hannah Arendt a subi les foudres des institutions juives quand elle a osé parler de la « banalité du mal » à propos de la destruction des juifs d’Europe, banalité qu’incarnait un fonctionnaire falot nommé Eichmann. Elle avait sans doute raison. Si l’humanité peut être belle, elle recèle aussi une part de sauvagerie. Notre histoire est riche des explosions de cette part de nous-mêmes et de notre combat éternel pour la contrôler, la juguler. Nous y réussissons parfois, par le dialogue, en traitant l’étranger comme un ami possible plutôt que comme un ennemi éventuel, en surmontant la cupidité qui nous conduit à massacrer des peuplades « sauvages » pour faire main basse sur leurs biens, les réduire en esclavage et coloniser leurs territoires. On peut faire un lien entre le primat absolu de l’argent et la montée de la violence. C’est ce primat qui conduit à l’abandon du soutien aux exclus. C’est lui qui conduit à la course au moins-disant social. Serait-il interdit de mettre, quelque part dans la chaîne causale qui mène à la violence aveugle, la misère des banlieues, misère économique, sociale, mais aussi misère mémorielle d’une population qui vit sous l’ombre portée des souffrances indicibles de ces aïeux sous le joug de cette nation française qui leur enjoint de s’assimiler ? Cette nation dont le gouvernement s’obstine à blanchir Israël de ses crimes et fait la chasse à ceux qui appellent à son boycott, cette nation qui guerroie au Mali et en Centrafrique, après avoir démantelé la Libye… Faisons un rêve : que les pays occidentaux rompent les relations diplomatiques avec Israël et ne les rétablissent que quand cet État se soumettra au droit. Bush et Blair seraient traduits en justice et condamnés par la CPI pour crimes contre l’humanité et finiraient leurs jours dans une prison. L’équivalent d’une COP21, tenue en Afrique, se chargerait de dessiner un horizon commun pour l’humanité et l’avènement d’une justice-monde, d’une démocratie-monde. Elle édicterait une Constitution dont l’article 1er proclamerait l’égalité totale en droits et en devoirs pour tous les hommes.

Naïveté ? Sans doute. Mais, au regard de ce que la cynique Realpolitik a fait de notre monde, ne serait-il pas temps de donner corps à ce rêve ?

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