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6 juillet 2019 6 06 /07 /juillet /2019 21:53

Présidentielles ou transition ?

Nous sommes toujours dans la « drôle de guerre » que j’évoquais dans un précédent article. Tout semble figé. L’actualité ne se nourrit plus guère que de l’état de santé des prisonniers d’El Harrach et des supputations sur les noms de celles et ceux qui pourraient les rejoindre. La bataille entre les tenants de la présidentielle, emmenés par Gaïd Salah et ceux de la transition ne laisse pas présager d’issue dans un délai raisonnable.

Oui, le temps court et cette course de lenteur risque de déboucher sur un redoutable inconnu. Il faut en sortir.

Essayons d’y voir clair. La logique dont se réclame Gaïd  Salah est très simple. L’urgence, à ses yeux, est de donner le plus vite possible un président au pays, : à charge pour celui-ci de proposer au peuple une nouvelle constitution, un nouveau gouvernement, une nouvelle législature… Cela revient à mettre entre les mains d’une seule personne un pouvoir exorbitant, le même que celui dont a joui Bouteflika pendant vingt longues années et qui lui a permis de rester au pouvoir alors même que son état de santé aurait dû entraîner ipso facto l’invalidation de ses candidatures successives. Il n’en rien été. Nous avons donc été gouvernés par un grand malade au nom duquel des décisions importantes ont été prises, à l’ombre duquel la corruption a totalement gangrené le pays, disqualifié les valeurs morales. Plus grave, cette corruption s’est étendue à l’ensemble de la société. L’exemple venant d’en haut, beaucoup d’Algériens ont utilisé les postes qu’ils occupaient pour en faire une rente. Quoi de plus simple que de demander un « menu » service contre un papier administratif, un logement, un passeport pour le pèlerinage ? Ce dernier exemple illustre à merveille la déliquescence de la morale.  Comment a-t-on pu payer en argent sale le droit de remplir une obligation religieuse et s’en vanter, toute honte bue ? Ce que proposent Gaïd Salah, ainsi que celles et ceux qui plaident pour la tenue immédiate d’une élection présidentielle est un scénario catastrophe. Il reproduirait à l’identique les prémisses de l’épisode bouteflikien de sinistre mémoire…

Alors, pourquoi la transition s’impose-telle comme une nécessité ?

L’objet de la transition est de REFONDER la Nation. L’Algérie a été marquée par d’innombrables scandales durant ces vingt dernières années. L’invraisemblable affaire des quintaux de cocaïne, la prédation effrénée, la corruption généralisée, l’ont marquée d’une empreinte profonde. Elle a failli  laisser son âme dans cette défaite morale. Le sursaut salvateur du 22 février l’en a prémunie.

Ces pratiques  ne sont pas isolées. Elles ont structuré la vie du pays. La corruption a atteint toutes les couches de la population, à telle enseigne que les Algériens ont intégré comme un mode  de fonctionnement normal le fait de glisser un billet à un fonctionnaire pour hâter la délivrance d’un document et de négocier avec un gendarme le prix de son « pardon » pour un excès de vitesse ou un défaut de permis de conduire. C’est dire que ce phénomène a pris de telles proportions qu’il a structuré la vie de tous les jours.

L’urgence commande… de prendre le temps de revisiter cette période terrible pour en tirer les enseignements qui conviennent, avant toute chose. Il faut absolument rendre impossible une réédition de la période que nous venons de traverser et qui a fait de nous la risée des nations. Grâces en soient rendues au peuple du hirak, nous avons recouvré une bonne partie de la considération que nous a value la lutte implacable qui a débouché sur notre éclatante victoire sur le colonialisme. Cette victoire a connu des lendemains amers. Le peuple a été immédiatement contraint au silence et à la soumission. Dès le lendemain de la fête, les rues avaient repris leur monotonie et la peur de l’uniforme (algérien !) devenait la norme. Le tropisme prédateur a été initié par la subtilisation de l’or et des bijoux dont nos mères et grand-mères se sont défaites au profit des nouveaux dirigeants qui avaient appelé le peuple à contribuer généreusement à la remise à flot d’une économie en état de déshérence !

Ce qui se passe en Algérie aujourd’hui est de l’ordre d’une révolution. Il s’agit  de changer, non les individus, mais les paradigmes. Nous allons être confrontés à des questions que nous avons ravalées dans le fond de nos consciences : notre rapport au monde, notre rapport à la modernité, la place des femmes  dans une société gangrenée par les violences conjugales, l’avalanche des divorces et la propension des hommes à « oublier » de s’acquitter de leurs obligations légales envers leurs anciennes épouses et leurs enfants. Il faudrait aussi revisiter notre rapport à la religion qui s’est réduit en peau de chagrin  jusqu’à devenir la manifestation convenue d’une religiosité que proclament le vêtement et l’anathème et que dément l’absence abyssale de l’élément essentiel de la foi, la spiritualité.

Oui, la transition doit aussi servir à changer le rapport aux autres. Nous connaissons la dose de méfiance et  de violence qui caractérise les rapports entre  Algériens. Nous pouvons capitaliser sur ces longues semaines de marches pacifiques, qui ont eu l’immense mérite d’inciter les Algériens à se regarder, à se reconnaître, à s’accorder sur un même horizon. Nous pouvons aussi poser un regard neuf sur notre environnement et découvrir ensemble que vivre dans la saleté n’est pas une fatalité. Nous pouvons agir pour que les façades de nos villes soient moins hideuses, agir pour y ménager des espaces de vie, des espaces de rencontre, des espaces de création. Pourquoi n’aurions-nous pas droit à des villes fleuries, des trottoirs libérés de la tyrannie de vendeurs sans scrupules ? Pourquoi n’aurions-nous pas droit à des plages propres, libérées enfin des immondices dont elles sont parsemées ? Sous les pavés, la plage, criaient les manifestants parisiens de mai 1968. Chez nous, ce serait plutôt, sous les immondices, la plage. Notre pays est l’un des plus beaux au monde. La beauté de ses paysages continue d’habiter les esprits des rares touristes qui les ont visités. Il est permis de rêver d’un tourisme local qui verrait  des Touaregs baguenauder à Alger pendant que des Algérois se baladeraient à Constantine, que l’accent 3annabi fleurirait à Oran, que la sublime corniche de Jijel sortirait de son silence pour y accueillir les rires des enfants de Tlemcen et de Mascara…

Il y a aussi le tourisme mémoriel. Pour ressouder la Nation, il faut que les Algériens sachent par quelles épreuves elle est passée, de quel prix sa libération a été payée. Il faut que nos enfants puissent se rendre sur les hauts lieux de notre martyrologe, des gorges de Lakhdaria aux ravins de Guelma, des grottes du Dahra à celles des Sbéa, des ignobles camps de concentration dans lesquels des millions de personnes ont été parquées et y ont trouvé les poux, la misère, la mort… Il faudra aussi emmener les officiels français en visite en Algérie sur ces lieux. Pourquoi accepterait-on que ces mêmes officiels s’inclinent devant les victimes des nazis et pas devant leurs  propres victimes ? Pourquoi, plus de trente ans depuis la fin de la décennie noire, ne pouvons-nous toujours pas donner un nom et un visage à chacun, chacune des deux-cent-mille suppliciés ?

Le peuple souverain refuse, à juste titre, de donner à qui que ce soit un blanc-seing pour construire  son avenir. Il veut être l’acteur principal du changement.  Cependant, il faudra qu’il accepte de placer ses espoirs dans des personnes qui auront émergé de ces mois de manifestations. Pour autant, il ne faudra pas qu’il baisse la garde. Il faut qu’il reste attentif. Nous sommes les héritiers d’une histoire parsemée d’immenses tragédies. Nous en avons gardé la tentation de la violence.  Il va falloir mettre des garde-fous qui vont nous protéger, éventuellement contre nos propres démons. Me revient en mémoire cette belle anecdote. Un grand match opposant deux clubs rivaux d’Alger devait se jouer, le jour du de la première grande marche du 22 février. Ces matchs débouchaient souvent sur la violence. Les supporteurs des deux équipes, d’un commun accord, ont décidé de ne pas aller au stade. Ils craignaient que, même avec les meilleures intentions du monde, les choses dégénèrent, ce qui aurait bien mal auguré de la Silmiya revendiquée par les marcheurs, et qui a tant impressionné le monde…

Les lignes qui précèdent ne sont pas celles d’un programme, hors de portée d’une éventuelle future autorité de la transition. Il s’agit plutôt d’une vision joyeuse, sous-tendue par le rêve de rendre à notre peuple, recru d’épreuves, la dignité, la liberté, la confiance en l’avenir, dont la manifestation la plus probante serait la fin de la Harga. Le Général Gaïd Salah partage-t-il ce rêve ? Considère-t-il que le peuple mérite le destin brillant que devrait lui valoir la souffrance séculaire qui lui a si longtemps courbé la tête ? Ou alors, comme dans l’accroche du livre du journaliste André Fontaine consacré à la détente Est-Ouest, y aurait-il un seul lit pour deux rêves ? La réponse appartient au vieux général. A lui de nous dire s’il partage le lit et donc le rêve du peuple ou s’il caresse en solitaire un autre rêve, absurde pour le coup, celui d’un retour de ce peuple au statu quo ante, à ses déprimes, à ses explosions de violence, à sa tentation suicidaire…

Un dernier mot… Le hirak n’est pas sorti de sa réserve. Ce silence finit par devenir pesant. Il faudrait qu’il en sorte. Serait-ce si compliqué de se donner des porte-parole dûment agréés pour faire entendre la voix du peuple ? Serait-ce si compliqué d’élaborer un discours programme qui donnerait de la chair à cette Algérie de demain ? Il suffirait de rappeler ce sur quoi le peuple se ressemble, le caractère civil de l’Etat, la refondation de la justice, du système éducatif, de la couverture sanitaire de la population. Ce rappel doit aussi concerner les citoyens, dont on sait que certains d’entre eux font partie, même à une échelle modeste, du système de rente quand ils étaient à un poste de nature à leur valoir des rétributions indues.

Un mot sur l’école…

Des bataillons d’enfants de tous âges sont astreints à un régime scandaleux. Passons sur ceux dont les parents sont suffisamment fortunés pour confier leur progéniture à une des écoles privées qui prospèrent en Algérie sur la misère des écoles publiques. Ceux qui n’y ont pas accès doivent se contenter d’un enseignement au rabais. Dès le primaire, ils sont contraints de suivre des cours « particuliers », appellation osée quand on sait que ces cours du soir rassemblent plusieurs dizaines d’écoliers agglutinés dans un garage ! Ces cours sont dispensés par les mêmes maîtres qui enseignent dans le public. Certains de ces maîtres sont honnêtes et refusent ce que font d’autres, bien moins scrupuleux, qui sabotent leur enseignement au sein de l’école publique dans laquelle ils exercent et incitent les parents à inscrire les écoliers à leurs cours privés afin qu’ils soient assurés d’une scolarité correcte !

Ces enfants vont subir ce traitement tout au long de leur scolarité, jusqu’. Ce régime abrutissant ne leur laisse aucune place pour le jeu, l’éveil, le sport, la vie. Si parmi eux, il y a des Mozart, ils seront assassinés !

L’Algérie de demain a du pain sur la planche. Elle a aussi des atouts. Notre peuple est formidablement résilient. Ne lui ôtons pas la liberté. Respectons sa dignité. Considérons-le avec empathie. Assurons à nos jeunes la justice, la garantie de pouvoir s’élever dans l’échelle sociale à hauteur de leur mérite. Donnons-leur la possibilité de faire de nos promesses leurs réalités…

L’Algérie est au bord de l’éclosion, selon le beau mot de Mohamed Harbi. Elle sort d’une séquence de 57 années pénibles, marquées par l’impéritie des pouvoirs, la montée des violences, la décennie noire. Avec un tel passé, comment se passer d’une transition qui nous permettrait de quitter l’ombre, avec l’espoir d’accéder à la lumière ?

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commentaires

M
La France a coloniser la Kabylie et l'Algérie des soldats de satan Gaïd Salah en guerre contre les kabyles et les algériens esclave de satan marionnette de l'émirats aux généraux de mettre Gaïd Salah en prison le 20.9.2019 pour éviter l'extermination des généraux et ces chiyatines par ALLAH 7 ans de guerre la France dehors 7 mois de Hirak Gaïd Salah et son clan en prison INCHAALLAH 7 mois BARAKAT.
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