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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 07:25

Que nous disent les Cassandre d’Algérie ?

http://www.impact24.info/que-nous-disent-les-cassandre-dalgerie/

Depuis quelques semaines, il y a une sorte de chœur des Cassandre qui enfle en Algérie. Cassandre est cette Troyenne qui s’obstinait à répéter que « la guerre de Troie allait avoir lieu », contre l’opinion publique de la ville qui pensait, ou qui voulait croire, que la paix allait régner. L’Histoire a donné raison à Cassandre et Troie a été détruite…

Nos Cassandre locaux se comptent par millions. Ils se recrutent dans toutes les couches sociales, des plus humbles aux plus nanties. Ils sont marchands de légumes, poissonniers, écrivains, hommes politiques, artistes… Et ce conglomérat improbable, d’une seule voix, nous annonce que nous courons à la catastrophe, que l’Algérie va sombrer dans une nouvelle ère de violence qui risque de l’emporter.

Il y a une sorte de satisfaction morbide dans le ressassement de cette prophétie. S’il est compréhensible que le commun des Algériens tienne un discours de désespoir, au vu de l’absence de perspectives et la dégradation du quotidien qui constituent son lot, il est pour le moins étrange que des intellectuels ou des personnalités politiques qui ont été aux affaires reprennent à leur compte ce discours irrationnel. Habituellement, les « sachants », vocable qui désigne les familiers du sérail, délivrent des messages codés à l’adresse de la population. Sous d’autres cieux, les intellectuels seraient en train de débattre pour identifier les causes de cette éventuelle descente aux Enfers. Rien de tout cela chez nous. Juste la ritournelle de la promesse sans cesse renouvelée du retour de la tragédie…

Il y a dans cette absence de recherche des causes, cette absence de recherche de parades à cette catastrophe annoncée, un sentiment d’inéluctabilité, d’inanité de toute velléité de contrer l’oracle. Comment oublier que la précédente catastrophe, celle qui a emporté 200.000 de nos compatriotes dans l’équipée sauvage de la décennie noire, n’a fait l’objet d’aucune analyse, qu’elle n’a débouché sur aucun questionnement ? La parenthèse une fois fermée autoritairement par le Pouvoir, les choses ont repris leur cours burlesque, sur fond de violence larvée et de corruption généralisée. Les morts de la décennie noire ne sont même pas des martyrs. « Heureux les martyrs, disait le poète. Ceux qui savent pourquoi ils meurent sont de grands privilégiés ».

Il y a une sorte de deal silencieux entre le régime et la population. Recrue de drames, celle-ci réclame l’immobilisme, le changement étant perçu comme un facteur de risque. Le Pouvoir acquiesce bien volontiers, évidemment. Bénéficiant de l’immunité, il organise sous les yeux d’un peuple atone, résigné, l’équarrissage de la bête Algérie et la vente à l’encan de ses richesses ultimes.

La prophétie en question est liée au sentiment que ce deal est en train de toucher à sa fin, que le marché de dupes est caduc. On pressent que le butin se raréfie et que les prédateurs sont en train d’organiser leur sortie en bon ordre, laissant un pays exsangue…

Que faire d’autre que de se lamenter et d’attendre, immobiles, que le Destin s’accomplisse ?

Rien, répond le chœur des Cassandre.

Et pourtant…

Et si l’on tirait profit de cet entre-deux qui sépare une mauvaise fin de règne de lendemains inconnus pour tenter de trouver ensemble des solutions ? Pour cela, il faudrait se pencher sur les causes. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais profitons de l’actualité pour soulever un premier lièvre.

Boudjedra déclare, avant de se rétracter, qu’il est athée. Cette déclaration est accueillie par un tonnerre d’imprécations. Que lui reproche-t-on au juste ? De ne pas avoir la foi ? Mais celle-ci ne se décrète pas, comme le rappelle le texte sacré lui-même, « Pas de contrainte en religion » ! Alors, le reproche serait-il dans la déclaration, dans le fait de mettre au jour un élément dérangeant un ordre établi où beaucoup « font semblant ». Qu’est-ce qui est préférable, la vérité de la diversité, ou le mensonge hypocrite du conformisme généralisé ? C’est de la réponse à ce type de questions que dépendra notre avenir…

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