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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 11:36

Crise kabyle, quelles répercussions sur la Nation ?

http://www.impact24.info/crise-kabyle-quelles-repercussions-sur-la-nation/

J’ai un ami palestinien dont la famille, chassée en 1948 de Haïfa par les milices israéliennes, avait trouvé refuge au Liban. C’est là qu’il a grandi et que, tout naturellement, devenu adulte, il a intégré le Fatah de Yasser Arafat. Il a vécu la guerre civile qui a embrasé le pays en 1975. Souvenons-nous : des incidents opposent des milices chrétiennes et musulmanes, sur fond de différends sur la division des pouvoirs politiques opposant la majorité musulmane à la minorité chrétienne, et d’accentuation du sentiment d’inégalité exacerbé par une grave crise économique. Last but not least, la présence de troupes palestiniennes dans le sud du pays, et les violences engendrées par leurs combats avec l’armée israélienne, contribuent à la création de la situation explosive qui a dégénéré en guerre civile. D’ailleurs, l’acte inaugural de cette guerre a été le mitraillage d’un autobus transportant des Palestiniens qui revenaient d’une fête dans le village de Sabra, ce même village qui, avec son voisin Chatila, devait faire la une de la presse mondiale en dévoilant l’horreur du sionisme…

Une question me vint à l’esprit lors d’une de nos nombreuses conversations. Comment se reconnaissaient les ennemis ? Comment un milicien chrétien reconnaissait-il un druze ou un sunnite et inversement ? La réponse est surprenante. Ce petit pays de 10.000 kilomètres carrés compte des particularismes locaux bien connus de la population. Il suffisait d’un mot bien choisi et de sa prononciation pour définir l’origine du locuteur. Un habitant du Chouf reconnaitra sans peine un compatriote de la plaine de la Bekaa. A titre d’exemple, tous les Libanais, pour désigner une tomate, disent "panadoura". Les Palestiniens avalent le deuxième "a" et ça donne "pandoura". Cette minuscule différence linguistique était devenue synonyme de tragédie. Elle était mise à profit dans les barrages tenus par des milices anti Palestiniennes pour reconnaître et massacrer sans autre forme de procès femmes, enfants, civils désarmés…

Il y a toujours eu dans notre pays une revendication kabyle. D’ordre culturel, elle se traduisait notamment par la préservation de l’identité berbère et l’accès au statut de langue nationale et officielle du tamazight. Revendication légitime, évidemment. Personne ne conteste vraiment le caractère ethniquement berbère de l’Algérie. Ce ne sont évidemment pas les quelques dizaines de milliers de cavaliers arabes qui l’ont conquise qui se sont substitués aux autochtones ! Il y a eu des avancées notables. Le tamazight adroit de cité dans les télévisions et les radios publiques. Son caractère national a été réaffirmé et il a vocation à accéder au rang de langue officielle. De plus en plus d’intellectuels et d’universitaires, dont l’auteur de ces lignes, plaident pour que son apprentissage soit rendu obligatoire dans tout le pays. Etrange paradoxe : ces succès, loin d’apaiser la colère kabyle, semblent l’attiser au contraire, au point où la demande de séparatisme prend de plus en plus de vigueur et de consistance. Son héraut, le MAK, est en train de mettre sur la touche les partis kabyles traditionnels tels que le FFS et le RCD.

Souvent, les conflits communautaires sont nourris par la mémoire de massacres passés, ou par la perception d’une citoyenneté au rabais. Rien de tel en Algérie. Nulle trace de pogroms contre la population kabyle. Au vu de la biographie de celles et ceux qui ont présidé aux destinées de l’Algérie, il est difficile d’y trouver trace d’une mise à l’écart des leaders kabyles.

Alors, quoi ?

Sans doute une version kabyle de la haine de soi, que tous les Algériens ont en partage…

Oui, nous avons en partage une situation dégradée, une absence de perspectives, une douloureuse humiliation d’être cantonnés au rôle de spectateurs de notre propre histoire. Les kabyles se perçoivent par surcroît comme une "minorité » persécutée par une majorité arabe. Notons au passage la contradiction entre leur slogan favori qui fait de tous les Algériens des Berbères (ce qui n’est probablement pas loin de la vérité !), et de les désigner dans le même mouvement comme une majorité arabe hostile…

Haine de soi, haine de l’autre… L’avantage de se définir comme une minorité opprimée est de s’absoudre de toute responsabilité dans la situation du pays dans lequel on vit. Les coupables, ce sont les autres, les aliens. On remontera dans l’Histoire aussi loin qu’il faudra, pour les débusquer et faire un constat d’une simplicité biblique : Tous les malheurs du monde viennent de l’arrivée des Arabes, il y a plus de 15 siècles. Bien sûr, les Berbères ont adopté la langue des "conquérants". Ils ont embrassé la religion dont ceux-ci ont apporté le message. Ils ont puissamment contribué à l’éclat de la civilisation arabo-musulmane en l’étendant à l’Europe. Rien n’y fait. Dialogue de sourd avec un berbériste : Je tentais de lui rappeler que Tarek Ibn Zyad apostrophait ses troupes en arabe. C’était donc un traître, laissa-t-il tomber d’une moue dédaigneuse. Autre manifestation de cette brutalité et de cette haine de soi, haine de l’autre, la tendance à trouver des avantages à la fréquentation du sionisme (ennemi des Arabes, donc ami !) et même, n’est-ce pas Monsieur Mhenni ?, de trouver des circonstances atténuantes à la colonisation française en la présentant comme un "malentendu entre la France et la Kabylie" (sic) !

Tout cela pourrait paraître ridicule. Hélas, nous savons qu’en politique, le ridicule peut tuer. Il peut même génocider ! Si l’on n’y met bon ordre, par une approche pacifique, intelligente, mais où chacun sera mis en face de ses responsabilités, qu’est-ce qui nous garantit que nous ne reproduirons pas dans notre pays le drame libanais, qu’un Oranais pourrait être égorgé à un barrage pour un "Chawala" ou un kabyle pour un "aghroum" ?

Politique fiction ? Je l’espère, mais je n’en suis pas si sûr !

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